Cette émotion mêle peur et colère bloquées et retournées contre soi. Non déchargée, inexpliquée et enfouie au plus profond de nous, la honte nous ronge et nous enferme dans un cercle toxique.
Le sophrologue sait vous accompagner dans le démêlage de ce nœud et vous apprendre à sortir de cet emprisonnement en stimulant votre confiance et estime de vous-même.
Le sophrologue vous accompagne également efficacement dans la gestion de votre colère et de vos peurs.
Ci-dessous, j'ai reproduit l’interview de Boris Cyrulnik par le Pèlerin afin de participer à la mise en lumière de ce "fléau psychique".
"Le dernier essai de Boris Cyrulnik est consacré à la honte. Sujet qui le touche au plus intime de lui-même. Le neuropsychiatre, célèbre pour sa théorie sur la résilience, s’ouvre sur son enfance et explique à quel point il est vital de se sortir de la honte.
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Pèlerin : À la lecture de votre livre, Mourir de dire. La honte (1), on se demande la raison d’une telle thématique. Ce sentiment paraît a priori loin de votre univers, vous qui avez théorisé la résilience, cette capacité à reprendre une vie après un traumatisme .
Boris Cyrulnik : Je me suis intéressé à la honte d’abord pour une raison objective. Les travaux sur la résilience ont montré que trois facteurs peuvent empêcher de traverser un traumatisme.
Le premier est l’isolement. Après trois semaines de privation de parole, notre cerveau s’atrophie. Il est donc utile de parler, ne serait-ce que pour entretenir notre cerveau !
Le deuxième obstacle, c’est de rester dans le non-sens. Pour qu’un malheur prenne du sens, il faut faire le récit de ce qui est arrivé, de façon à donner cohérence aux événements.
Le troisième facteur qui empêche de s’en sortir, c’est la honte. Le honteux dit presque toujours : « J’aurais voulu rentrer sous terre. » S’il va sous terre, il se protège certes, mais il ne peut parler, donc s’en sortir.
Quelles sont les autres raisons ? Des raisons plus… personnelles (Il sourit… Silence). À ce moment-là, s’est posé le problème de ma propre honte, même si j’hésite encore sur le mot.
Mes parents, juifs ukrainiens, ont été arrêtés durant la guerre. À 6 ans, j’ai échappé aux camps en me cachant. Puis, orphelin, j’ai été confié à l’Assistance publique jusqu’à la Libération.
Jusqu’à l’âge de 10 ans, vous n’alliez pas à l’école . On me cachait. Pendant longtemps, le développement de ma personnalité s’est fait ainsi :
« Tu es un sous-homme, tu ne mérites pas de vivre, tu n’as pas de famille, tu es juif, tu mérites la mort, ta famille est déjà morte, tu n’as pas le droit d’aller à l’école, tu dois changer de nom car ton nom porte malheur. Si tu t’appelles Jean Laborde, tu pourras vivre, mais tu trahiras tes parents. »
J’ai grandi avec ces pensées. Est-ce que j’avais honte ? Peut-être, parfois. J’avais aussi le sentiment d’un grand danger, d’une grande injustice, parfois de honte… Oui… Oui, j’avais honte.
(1) Mourir de dire. La honte, Éd. Odile Jacob, 265 p. ; 22,50 €.
Honte de quoi ? Ce n’était pas la honte d’être condamné à mort, mais d’être un sous-homme, de ne pas être comme les autres.
Je ne pouvais pas aller à l’école, je n’avais pas de famille. Ma personnalité s’est développée dans ce contexte délabrant, honteux souvent.
C’est cette honte que, longtemps, vous avez tenu à ne pas dévoiler ? Oui… (Silence) Jusqu’à maintenant, j’avais beaucoup parlé à la troisième personne, en me cachant un peu.
Vous faites allusion aux lignes dans lesquelles je parle de quelqu’un pour qui « le fait d’avoir partagé son traumatisme lui a permis de quitter l’image de monstre qu’il croyait être ».
Oui, c’est de moi dont je parle… Quand j’étais enfant, on me disait : « Si tu dis ton nom, tu mourras et ceux que tu aimes mourront à cause de toi. »
C’est monstrueux, non ? Mais les gens qui me le disaient avaient raison, car ils risquaient leur vie en me cachant. Ils devaient le dire car, sinon, ils seraient morts avec moi.
Mais dans mon esprit d’enfant, j’entendais : « Tu es un monstre, tu portes malheur. » Il est plus facile de raconter des histoires, de faire une autobiographie à la troisième personne, ou de rédiger des essais psycho-anthropologiques que de dire qu’on se sent chassé de la communauté humaine.
À des degrés divers, n’avons-nous pas tous connu la honte un jour ou l’autre ? Bien sûr. Elle peut durer quelques minutes, ou toute une vie. Elle se présente parfois comme une suite de petites déchirures insidieuses.
La honte se traduit comme une indigestion, c’est un poison de l’âme, qui isole et empoisonne.
Elle agit comme un détracteur intime qui nous dit : « Quoi que tu fasses, tu es minable. » Ce n’est pas de la culpabilité. Celui qui se sent toujours coupable, se dit sans cesse « Tu dois payer », alors que le honteux vit dans la dévalorisation permanente.
Que se dit-on quand on a honte ? À cause de mon histoire, de mon développement, je crois que vous comprenez à quel point je suis minable. Je me sens mal, car je vous donne le pouvoir de me juger.
Mais en même temps, si vous ne me regardez pas, je suis malheureux aussi ! Le honteux est pris dans un regard dont il a besoin mais qui est trop fort pour lui.
Qu’est-ce qui fait honte, aujourd’hui ? La honte dépend beaucoup de la société dans laquelle nous vivons. Dans notre culture, c’est la blessure qui touche l’attention portée à soi.
Dans notre société qui propose aux individus un large choix d’aventures personnelles, qui doit permettre avant tout de s’épanouir, toute entrave à cela est une injustice, tout échec à la réalisation de soi est vécu comme une atteinte au plus intime de soi.
Nos progrès techniques et culturels font de ce sentiment une souffrance d’avenir !
Malgré tout, vous dites que la honte est très importante. Pourquoi ? Jusqu’à 4 ans, les enfants n’ont pas honte car ils n’ont pas d’idée de ce que pensent les autres d’eux. Ils ne sont pas capables de penser que l’autre pense, ils ne font pas de différences entre l’autre et eux.
Vers 4 ans, si l’enfant a été affectivement entouré, il devient capable de se décentrer de lui-même pour se représenter les pensées de l’autre. À ce moment-là, la séparation entre lui et l’autre est faite ; l’empathie se met en place.
C’est une étape majeure ! Cela fait de nous des personnes séparées mais vivant ensemble. Même si nous n’avons pas le même monde mental, nous appartenons à la même famille, la même culture. La honte permet la relation avec les autres.
Et participe à la constitution de la morale ? Absolument. Il n’y a pas de honte sans regard de l’autre. À partir du moment où celui-ci existe, la morale se crée.
Si je suis conscient du regard de l’autre, je ne peux plus tout me permettre. Un frein moral se met en place car je deviens capable de me représenter les sentiments de l’autre. La honte est donc aussi un ferment de rencontre entre êtres humains.
■ www.lahonte.org : ce site permet de mieux comprendre ce sentiment mystérieux en expliquant ses symptômes et ses conséquences. Il propose également des ouvrages sur ce thème.
Rubrique : Actu
Publié dans Le Pèlerin 6673 - Mis à jour le 28 février 2019"
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